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David Bontemps

Sept ans après leur premier album, le groupe MAKAYA nous livre ÉLÉMENTS. Les mélomanes n'ont pas attendu en vain. La "bande à Bontemps" nous sert un repas copieux avec onze titres à l'affiche. Un palmarès audacieux où règne une diversité remarquable sous une originalité propre. Le leader du groupe, David Bontemps, répond à nos questions.

KariJazz: Merci d 'accorder cette interview à KJ.

David Bontemps: Merci Alphonse. Le plaisir est mien. Ne pas faire cette entrevue aurait laissé un vide assez inconfortable car KariJazz demeure un espace privilégié pour les musiciens de notre mouvance.

KariJazz: Pourrais-tu définir le dernier disque de Makaya ? Pourquoi un tel titre ?

David Bontemps: C'est un hommage à l'héritage musical créole. Elements vient de ma composition du même titre dans laquelle s'articulent plusieurs idiomes musicaux, plusieurs horizons. J'ai trouvé que cette pièce résumait bien la direction de l'ensemble du corpus, d'où le choix de ce nom.

KariJazz: Il y a un titre sur l'album 17/10. Peux-tu nous en dire plus ?

David Bontemps: J'hésite toujours à donner la signification originelle des pièces car la magie d'une oeuvre musicale réside dans la liberté qu'a l'auditeur de créer lui-même sa propre histoire au gré de son imagination.

17/10, c'est le 17 octobre, jour où l'haïtien commémore l'assassinat du père de la patrie Jean-Jacques Dessalines. Ce drame reste un canevas de création poignant car il met en exergue les différentes dissonances qui meublent le mental de la société haïtienne, j'allais dire de toute société noire (Afrique et diaspora). L'assassinat de l'empereur n'est pas le premier ni le seul régicide de l'humanité, et à bien analyser, c'est souvent un sort malheureusement réservé à ceux qui sont en dehors de leur temps.

Dans cette pièce, les percussionnistes juxtaposent des rythmes royaux, agraires et mortuaires. La guitare expose un thème du répertoire Gédé que j'ai stylisé sur un ostinato de la contrebasse qui rappelle les bambous et vaksin du Rara. Au piano, mon rôle est surtout harmonique et rythmique. Le tout est supposé recréer cet ensemble de dissonances psychologiques irrésolues qui bouleverse notre nation. C'est une pièce conçue avant tout pour les percussions, et qui reste accessible malgré sa relative complexité.

KariJazz: En 2009 Makaya sort son premier album. Pourquoi sept ans entre les deux CDs ?

David Bontemps: Je voulais enregistrer dans les meilleures conditions possibles. En fait, Elements était prêt dès 2014. Après tant d'efforts et de sacrifices, les musiciens et moi ne voulions pas le publier sans un minimum de promotion. Cela a été long de rallier les forces vives autour de ce projet. Entre attentes déçues et négociations interminables, le temps a filé. Alors que l'industrie du disque se meurt et que le contexte économique est difficile, nous nous considérons extrêmement chanceux de pouvoir compter sur des collaborateurs qui misent sur notre travail. Nous en sommes très reconnaissants.

KariJazz: Il y a sur ce disque une utilisation des rythmes du terroir qui semblent être plus importante que sur le premier album. Pourrais-tu en parler un peu plus ?

David Bontemps: C'est vrai et j'en suis fier. Pourtant la préparation initiale de ce répertoire s'est d'abord effectuée en trio avec Jude André Deslouches (guitare et chant), Nicolas Bédard (contrebasse) et moi-même. Nous étions impatients d'entendre ce que les percussions apporteraient à ces ébauches. Cydric Féréol au Ka guadeloupéen et Emmanuel Delly aux congas et tambours haïtiens ont été efficaces en proposant des rythmes traditionnels et leurs stylisations subtiles appropriés. Un meilleur travail de recherche a également pu être possible car nos percussionnistes ont une connaissance vraiment approfondie des rythmes du terroir.

Aussi, sur ce disque il n'y a pas de cymbales ni de charleston ou autres effets. Il n'y a que la peau des tambours dans toute leur splendide et ensorcelante nudité. C'est ce que je désirais réellement, au fond, et c'est ce qui fait la singularité de Makaya.

KariJazz: Tu as sept compositions à ton actif sur ce disque. Peux-tu nous parler un peu de ton processus de création ?

David Bontemps: Cela varie. Il y a celles qui ont longtemps traîné dans les tiroirs, comme Wanga Nègès, et je me suis dit un jour : 'pourquoi pas?' D'autres, tel 17/10 sont le résultat d'une labeur plus long car délaissé et repris puis encore délaissé. Et d'autres enfin qui sont plus spontanées comme Carnaval. Étant plus vieux, j'ai plus de métier mais aussi plus de doutes. Je laisse donc passer généralement plus de temps avant de travailler un thème afin de l'éprouver.

J'ai effectué un travail conscient pour que ce corpus reste toujours facile d'accès.

Je dois ajouter que tout le groupe participe à l'arrangement des pièces. Si l'un d'entre nous fait la grimace, c'est qu'il n'est pas convaincu. C'est le signe qu'il faut encore travailler.

KariJazz: Quelle est la place de la musique sacrée de chez nous dans ton inspiration ?

David Bontemps: Le Vodou haïtien, au-delà de son aspect spirituel et religieux est un creuset de conservation et de création artistique incroyable. Au niveau musical, il joue carrément le rôle du conservatoire national qui n'a jamais pu subsister dans notre pays. Heureusement que le Vodou a existé et que la tradition s'est transmise, car nombre de rythmes, de chants, d'esthétiques ont pu parvenir jusqu'à nous. En tant que créateur haïtien ce serait contre nature de n'a pas y puiser. De plus, la dimension spirituelle révèle des charges historiques et philosophiques à la moindre inflexion mélodique ou contour rythmique. C'est une chance inouïe, et j'ose croire que cette musique ne disparaîtra pas.

KariJazz: Le prochain projet de Makaya ou de DB ?

David Bontemps: Beaucoup plus rapidement qu'Eléments j'espère. Un projet solo est quasiment prêt et les musiciens de Makaya sont impatients de partir en tournée et de monter un nouveau répertoire.

KariJazz: On te laisse le mot de la fin…

David Bontemps: J'ai l'impression d'être sur le canapé d'un psychologue lorsque tu m'interviewes, Alphonse. Mais finalement, c'est ce qu'il faut et j'aime ça. Pour la fin, je souhaite que les conditions se mettent en place rapidement afin que la paix et la liberté arrivent pour tous. C'est cliché, mais au fond, c'est un besoin bien réel.

Parlant de liberté, je souhaite que les gens s'octroient celle de s'ouvrir à un maximum d'horizons musicaux.

KariJazz: Karijazz te remercie

David Bontemps: À moi de te remercier encore Alphonse pour cette invitation et pour l'excellence du travail de KariJazz. A bientôt.


Karijazz,
12 Mars 2016


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